Rédigé par Jérôme Coudurier-Abaléa et publié depuis
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Qu'on ne s'y trompe pas : le présent article n'a aucunement vocation à désigner mes élèves "préférés", ni à réveiller la vieille querelle entre scientifiques et littéraires. Il s'agit seulement de pointer quelques faits objectifs.
On sait la difficulté de la dissertation, exercice-roi de l'enseignement français, et d'autant plus délicat à réussir que les différentes disciplines présentent des exigences divergentes, parfois contraires (entre enseignants de français, de littérature, d'histoire et de philosophie, nous sommes à peu près d'accord pour dire que la dissertation comporte une introduction, un développement et une conclusion, mais au-delà, les plus vives discussions nous divisent). Un élève d'habitude brillant peut échouer dans une dissertation ; tandis qu'un élève médiocre n'a quasi aucun espoir de dépasser une note passable (même si l'on a parfois de bonnes surprises). Ces accidents ont bien moins de chance de se produire dans les disciplines où il s'agit de trouver la solution d'un exercice. Les candidats de L passent quatre épreuves de dissertation : quelle autre section en demande autant ?
Parmi ces disciplines, la philosophie, dont j'ai tendance à penser (souffrez, amis collègues, que je place mon enseignement au premier rang !) qu'il s'agit, de très loin, de la matière la plus exigeante. Elle requiert en effet une rigueur de pensée au moins égale à celle des sciences exactes, un sens du réel et de l'observation au moins égal à celui des sciences expérimentales, une sensibilité aux nuances conceptuelles d'une maniaque précision, une culture générale portant sur tous les domaines, un réel talent rhétorique, une expression française irréprochable. En L, cette discipline est affectée du plus gros coefficient (7), ce qui donne à cette épreuve une importance écrasante.
Ce plus gros coefficient affecte de surcroît une discipline que les candidats n'étudient que pendant neuf mois à raison de huit heures par semaine. Comparons : en S, le plus gros coefficient affecte les mathématiques (7, ou 9 quand le candidat choisit une spécialité maths), discipline étudiée depuis le CP (soit pendant douze ans), au moins cinq heures par semaine. Pour pallier cette injustice, certains établissements bien inspirés créèrent une heure d'introduction à la philosophie pour les élèves de Première (raison pour laquelle ce blog s'adresse aussi à eux). Hélas, non seulement cette initiative n'a rien d'obligatoire, mais encore elle paraît très insuffisante. Au Portugal, à titre de comparaison, la philosophie est enseignée à raison de quatre heures hebdomadaires, toutes sections confondues, dès l'entrée au lycée. On y aborde dès la Seconde des questions du type : "Les valeurs et l'action".
Comment contester, au vu de ces éléments, la singulière difficulté de la section L ?
Comment nier qu'il s'agit de la filière d'excellence stricto sensu ?
Parents d'élèves qui croyez encore que la section S est la "voie royale", décillez-vous !