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Le Labyrinthe - souffle des temps.. Tamisier..

Souffle et épée des temps ; archange ; prophéte : samouraï en empereur : récit en genre et en nombre de soldats divin face à face avec leur histoire gagnant des points de vie ou visite dans des lieux saint par et avec l'art ... soit l'emblème nouvau de jésuraléme.

Alain : la perception est une opération de l'entendement

Expliquer le texte suivant :

On soutient communément que c'est le toucher qui nous instruit, et par constatation pure et simple, sans aucune interprétation. Mais il n'en est rien. Je ne touche pas ce dé cubique. Non. Je touche successivement des arêtes, des pointes, des plans durs et lisses, et réunissant toutes ces apparences en un seul objet, je juge que cet objet est cubique. Exercez-vous sur d'autres exemples, car cette analyse conduit fort loin, et il importe de bien assurer ses premiers pas. Au surplus il est assez clair que je ne puis pas constater comme un fait donné à mes sens que ce dé cubique et dur est en même temps blanc de partout, et marqué de points noirs. Je ne le vois jamais en même temps de partout, et jamais les faces visibles ne sont colorées de même en même temps, pas plus du reste que je ne les vois égales en même temps. Mais pourtant c'est un cube que je vois, à faces égales, et toutes également blanches. [...] Revenons à ce dé. Je reconnais six taches noires sur une des faces. On ne fera pas difficulté d'admettre que c'est là une opération d'entendement, dont les sens fournissent seulement la matière. Il est clair que, parcourant ces taches noires, et retenant l'ordre et la place de chacune, je forme enfin, et non sans peine au commencement, l'idée qu'elles sont six, c'est-à-dire deux fois trois, qui font cinq et un. Apercevez-vous la ressemblance entre cette action de compter et cette autre opération par laquelle je reconnais que des apparences successives, pour la main et pour l'oeil, me font connaître un cube ? Par où il apparaîtrait que la perception est déjà une fonction d'entendement [...] et que l'esprit le plus raisonnable y met de lui-même bien plus qu'il ne croit. [...] Et nous voilà déjà mis en garde [...].
Alain

La connaissance de la doctrine de l'auteur n'est pas requise. Il faut et il suffit que l'explication rende compte, par la compréhension précise du texte, du problème dont il est question.



1. Détermination du problème

1.1. Détermination du thème

Alain montre dans ce texte que la perception consiste en une "opération", ou une "fonction", de l'entendement.


1.2. Définitions

Plusieurs termes requerraient une définition préalable.

"Interprétation", terme polysémique, désigne d'une manière générale le processus par lequel l'individu parvient à donner un sens clair à une idée auparavant obscure ou confuse. Outil fréquent en arts et en lettres (un musicien ou un acteur "interprètent" un morceau ou un rôle, le traducteur "interprète" dans une langue les propos tenus dans une autre, un commentateur "interprète" le texte qu'il explique), l'interprétation embarasse la science, qui la rejette par principe : elle se présente en effet comme toujours subjective, puisque c'est l'individu qui donne (qui projette sur l'objet) un sens peut-être partiel ou discutable. Un astrologue peut "interpréter" les positions des étoiles pour "lire l'avenir", mais ce faisant il n'étudie pas l'astronomie.

"Entendement" désigne, dans la langue cartésienne, la faculté de comprendre (de saisir par l'esprit), par opposition à la seule faculté de percevoir (de saisir par les sens), et à l'imagination, faculté de concevoir des images. Plus tard, Kant a opposé entendement et raison, la seconde permettant d'atteindre, au-delà de la simple compréhension, la connaissance. L'entendement se présente donc comme la faculté d'ordonner des sensations confuses.

"Esprit", dans la dernière phrase du texte, ne s'entend pas au sens philosophique ni théologique : il est seulement employé ici comme métonymie pour "individu".



1.3. Détermination de la thèse

En soulignant le caractère parcellaire et confus des sensations (données obtenues par l'intermédiaire des sens), Alain montre que notre représentation du monde constitue au premier chef une construction de notre propre esprit.


1.4. Détermination du problème

Quoi de plus banal que de dire : "je vois que ce dé est cubique" ; "je vois six taches" ?

Pourtant, cette formulation nous trompe, nous enseigne Alain, en cela qu'elle laisse entendre que nous savons "spontanément", par simple sensation, que le dé possède la forme cubique, ou que par nature le fait de rassembler six fois "un point" forme "six" points. Nous avons l'impression que nos sens nous livrent des informations claires à propos des objets qui nous entourent, et que par là nous connaissons le monde ; mais cette impression est fausse. Il suffit d'examiner en détail le contenu effectif de nos sensations pour constater que nous ne "voyons" jamais "cubique" ni "six".

Comment, alors, pouvons-nous passer d'une série d'informations sensuelles lacunaires à une idée claire - "le dé cubique", "six taches" ?


1.5. Plan du texte

Dans une longue première partie, Alain examine à fond l'exemple du dé pour montrer le caractère parcellaire et confus de nos perceptions, et comment notre entendement y supplée.

Dans une seconde partie (à partir de "Revenons à ce dé...")
, il semble passer du coq à l'âne et cesser de s'intéresser à la forme des objets pour examiner la faculté de compter.

Dans une dernière partie (à partir de "Apercevez-vous..."), il rapproche ces deux premières parties et affirme entre elles une profonde ressemblance.



2. Explication

2.1. Première partie

Recourant à la première personne du singulier, Alain propose une expérience pourtant assez simple pour avoir une portée universelle (il interpelle d'ailleurs le lecteur à deux reprises : "Exercez-vous" ; "Apercevez-vous"). Il décrit le contenu effectif de nos sensations et le compare avec l'image mentale, la représentation intellectuelle, qui correspond à ces sensations.

Entre celui-là et celle-ci, il existe un véritable abîme ; et la comparaison n'est guère flatteuse pour les sensations. Elles s'avèrent très parcellaires et inexactes (à tout instant, je ne vois jamais que trois faces du cube, cette vision est soumise aux jeux de lumière etc.). Si nous nous en tenions là, dans l'immédiateté présente des sensations, nous n'aurions aucune connaissance du monde : nous n'y verrions que des taches de couleur, des arêtes ou des plans, mais jamais des objets (Alain s'oppose au mouvement empiriste, notamment Hume, selon lequel toute notre connaissances dérivent de la seule expérience). Il faut donc, pour que nous voyons des objets et non de simples taches, que nous organisions nos sensations ; que nous les ordonnions.

Cette opération se divise elle-même en trois moments qu'Alain distingue au sein d'une même phrase : (1) la succession temporelle de sensations multiples ("je touche successivement...") ; (2) la "persistance mémorielle" (un peu comme il existe une "persistance rétinienne") de ces sensations, par laquelle je les "superpose", les "com-pose" (au sens étymologique : poser ensemble), ce qui me permet de les comprendre comme apparences diverses d'une même chose ("réunissant toutes ces apparences en un seul objet...") ; (3) l'ordonnancement proprement dit, où je franchis le pas entre sensations (de plans et d'arêtes) et connaissance du caractère (cubique) de l'objet ("je juge que cet objet est cubique").

En somme, le réel ne s'impose pas à nous par la sensation, puisque les sensations "brutes" ne nous livrent que des taches, des pointes, des arêtes, des couleurs, le tout de manière parcellaire, approximative, incohérente, bref, insensée. Quelque chose en nous ordonne, structure, donne un sens à ces sensations insensées ("je juge") ; aussi peut-on dire à bon droit que dès la perception, nous interprétons le réel : nous ne le recevons jamais "brut", et surtout, même si nous le recevions "brut", ce réel ne nos apprendrait rien, puisqu'il nous paraîtrait insensé. L'opinon commune à ce sujet se trouve donc prise en défaut.


2.2. Deuxième partie

Après avoir ainsi élucidé le processus de la perception, Alain semble passer à un tout autre sujet : il examine les taches sur l'une des faces du dé et l'opération consistant à les compter ; ou plutôt, avant de les compter, de les "reconnaître" six.

"Re-connaître" s'entend ici au sens littéral de "connaître une seconde fois". Alain distingue rigoureusement ces deux "fois" : après avoir parcouru "ces taches [en] retenant l'ordre et la place de chacune" (première "connaissance" empirique des taches, qui ne me dit pour l'instant rien sur leur nombre), Alain "forme enfin [...] l'idée qu'elles sont six" (deuxième "connaissance", intelligible cette fois, des taches). Il existe donc deux manières de connaître, deux "modes" de connaissance : un mode empirique, "sensuel" pourrions-nous dire ; et un mode intelligible, "spirituel" en quelque sorte.

Précisons : c'est bien Alain (ou plutôt l'esprit d'Alain) qui "forme", qui "produit" cette connaissance spirituelle des taches. Avec les seules sensations (sans faculté de mémorisation), il n'aurait que six expériences successives d'une tache ; chacune de ces expériences lui paraîtrait toujours aussi originale que la première. S'il s'en tenait à ses seules sensations, il ne pourrait jamais remarquer ce que ces sensations ont de ressemblant entre elles puisqu'il ne pourrait pas les comparer ; et même si on lui ajoute la faculté de mémorisation, Alain n'aurait pourtant que six fois l'expérience d'une tache ; mais comme ces taches occupent chacune un point singulier de l'espace, il ne s'agit pas six fois de "la même" tache ; donc, même avec les sensations et la mémoire, Alain ne pourrait pas abstraire de cette série d'expériences l'idée mathématique que ces expériences successives concrètes indiquent "six" taches. Pour "former" cette idée, il est nécessaire de dépasser le concret des sensation en les interprétant pour s'élever vers l'abstraction intellectuelle (en l'occurrence mathématique).

Son "idée" selon laquelle les taches sont "six, c'est-à-dire deux fois trois, qui font cinq et un" constitue donc, pour Alain, le produit d'un processus d'interprétation abstractive prenant pour "matière" une série d'expériences sensuelles. Pour y parvenir, la sensation et la mémoire ne suffisent pas : il faut, en outre, une faculté supplémentaire, qu'Alain appelle "l'entendement". En somme : les données sensuelles constituent le "fond" de la perception ; et l'entendement lui donne sa "forme". L'idée est donc le résultat de la rencontre entre un fond de sensations brutes insensées et une forme mentale qui les ordonne, donc leur donne un ordre, donc leur donne un sens. Il s'agit donc, ici aussi, d'un processus interprétatif.


2.3. Troisième partie

Ceci montré, Alain nous interpelle à nouveau : "Apercevez-vous la ressemblance entre cette action de compter et cette autre opération par laquelle je reconnais que des apparences successives, pour la main et pour l'oeil, me font connaaître un cube ?" Ce que nous prenions pour une digression, Alain nous invite à l'analyser comme une analogie. Comparons alors ces deux processus, la connaissance du dé comme cubique à partir des seules sensations de plans et d'arêtes, et la connaissance des taches comme six à partir des seules sensations successives des taches.

Ainsi formulé, on saisit déjà le rapprochement qu'Alain tente de nous expliquer, et cela dépasse la seule ressemblance entre le caractère géométrique (cubique) du dé et le caractère mathématique (six) des taches. Dans les deux cas, nous avons une première "connaissance" des choses par leur découverte sensuelle ; or cette "connaissance" par les
sensations (immédiates, présentes, parcellaires, multiples, désorganisées, à contenu informatif très faible) reste très lacunaire. La "persistance mémorielle" nous permet d'abord de réunir une succession d'expériences sensuelles en les concevant comme toutes rattachées à un même objet : je "vois" soudain un dé en lieu et place des arêtes et des plans antérieurement sentis ; je "saisis" soudain que mes expériences successives des taches sont à chaque reprise l'expérience d'une tache (et bien sûr, la mémoire est déjà une fonction de l'esprit). Enfin, le concept intelligible ainsi dégagé de sa gangue de sensations brutes, qu'il dépasse et recueille à la fois, je peux le saisir par l'entendement et réinterpréter (re-connaître) mes sensations initiales pour associer à ce concept une propriété : ainsi je juge que "ce dé est cubique" et que "ces taches sont six". J'atteinds de la sorte une idée intellectuelle différente par nature des données sensuelles, mais par laquelle je les connais une seconde fois.

Dans les deux cas, les organes des sens livrent la "matière" de l'idée, son "fond", mais sa structure, sa "forme", elle, provient de l'esprit. La perception, c'est-à-dire cette série d'opérations (sensations, conception, intellection) constitue donc, conclut Alain, une fonction de l'entendement ; et elle ne diffère pas fondamentalement du processus d'abstraction mathématique. Percevoir, c'est déjà en quelque sorte calculer ; et cela serait vrai aussi pour des qualités extraméthématiques : la couleur de l'océan, le goût d'une cerise, une odeur de goudron.

La perception relève beaucoup plus de l'opération active d'ordonnancement par l'entendement que de l'opération passive de réception d'informations par les organes des sens - contrairement à ce que soutient, par exemple, Epicure (dans la Lettre à Hérodote) et, surtout, l'opinion commune. Quand nous percevons un objet, le double fait de l'isoler comme "un" et de le concevoir comme "objet" implique que notre entendement travaille beaucoup plus que les organes de notre corps. Dans la perception, nous mettons beaucoup plus de notre esprit que nous ne recevons de l'univers ; pour la bonne raison que les informations prevenues de nos sens (le "fond" de la perception) sont ordonnées (reçoivent leur "forme") par notre entendement.

(À ce stade, il aurait été bon de rapprocher la position d'Alain avec l'analyse que propose Kant dans la Préface de la seconde édition de la Critique de la raison pure ; mais le cours sur Kant n'ayant pas encore eu lieu au moment de la remise du DM, je n'en ai pas tenu compte pour la correction.)

Nota Bene : assurément, ici se pose la question principale d'un point de vue pratique : d'où vient le sens que "nous" projetons sur les données sensuelles ? comment puis-je savoir que le sens que je projette "spontanément" (et malgré moi) sur l'univers est bien conforme à l'univers ? quelle "preuve" me garantit que ce "sens" n'est pas une pure fantaisie de mon imagination ? Alain ne répond pas à ces questions (même si, dans un sens, il soulève le problème lorsqu'il nous "met en garde" à la fin du texte, et même dans la première partie lorsqu'il écrit, un peu lapidairement : "Mais pourtant c'est un cube que je vois" : on se demande bien, à ce stade, comment il le sait !). Il n'était donc pas légitime de s'interroger sur ce point, comme l'a fait Nicolas (même s'il était souhaitable de mentionner le problème en conclusion). Pourtant, cet élève a eu l'excellente idée de montrer, dans une perspective proche de la pensée de Nietzsche, que si nous "interprétons" de telle manière le réel, c'est tout simplement pour des questions de survie (voir le Gai Savoir, §111 et 112 en particulier) ; brillante remarque qui lui a valu un autocollant.


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