Rédigé par Jérôme Coudurier-Abaléa et publié depuis
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Sujet de dissertation philosophique proposé aux élèves de section S en baccalauréat blanc le 31 mars 2007.
Vingt-et-un candidats ont traité le sujet avec un succès relatif puisque la moyenne ressort à 08,5. La meilleure copie atteint 17, la plus mauvaise ne recueille que 04.
1. Détermination du problème
1.1. Définitions
On n’insistera jamais assez sur la nécessité absolue de prendre le temps de définir les termes du sujet (voyez les conseils de méthode ici). Vous n’avez pas le français infus. Le constat me paraît déjà grave par lui-même ; plus grave encore, à mes yeux, apparaît ce deuxième constat : vous n’en avez cure. Le « bonheur » a donné lieu à des confusions avec le plaisir, la joie, l’entrain, la félicité, la satiété, la satisfaction et même la bonne humeur. La « pensée » eut l’infortune de se voir mélangée avec la réflexion, la conscience, le raisonnement, l’imagination, la mémoire, l’inventivité, l’esprit, et même la philosophie, qui n’en demandait pas tant. Heureusement, il existe des pensées non-philosophiques ! Sinon, comment voulez-vous que ma discipline se constitue de manière autonome ?
Des termes mal définis impliquent un problème faussé (voire un faux problème, ou même pas de problème du tout) or déterminer le problème doit être pour vous la priorité des priorités (voyez ici).
« Bonheur » s’entend au sens de joie ou de plaisir durable (voire constant). On peut bien sûr préciser avec Aristote qu’il s’agit du Souverain bien et qu’en conséquence tous les actes humains peuvent s’analyser comme une marche vers le bonheur : mais cette description ne fournit pas à elle seule une définition. Tout au plus la complète-t-elle utilement.
« Pensée » peut s’entendre dans deux acceptions inconciliables, qu’une culture philosophique suffisante permettait de trouver tout de suite, mais qu’une minute d’examen dégageait tout aussi bien. Pour Descartes, la pensée englobe toutes les opérations mentales, sans exception – y compris le rêve, par exemple. Pour Hegel en revanche, n’accèdent au titre de « pensée » que les expressions mentales pouvant prendre la forme d’un énoncé intelligible (autrement dit, la pensée se restreint au rationnel, et exclut la perception, les sentiment, les intuitions…).
1.2. Forme de la question
« S’abstenir de » pouvait s’entendre dans deux sens différents, dont l’un peut être évacué tout de suite. Soit il s’agit d’un simple « ne pas » (ne pas penser), soit il s’agit de « s’empêcher de », « s’interdire de », dans une sorte de « protectionnisme » (bonus ! pour la copie qui a trouvé cet excellent mot) contre les effets délétères de la pensée ; mais dans ce second sens, il est clair que ce précepte : « Tu dois t’interdire de penser » est… une pensée. La contradiction manifeste permettait d’évacuer cette lecture de la question.
1.3. Relations entre les termes
La question – le fait est assez rare pour être salué – pouvait prendre deux tonalités très différentes selon qu’on mettait l’accent sur le bonheur ou sur la pensée.
Dans la première préoccupation, typiquement grecque, la question se formulait de la sorte : dans la quête du bonheur, faut-il considérer la pensée comme une fausse piste ? Dans la seconde, typiquement moderne, la question se tournait autrement : la pensée empêche-t-elle le bonheur ?
On pouvait, au choix, proposer deux dissertations très différentes, l’une appuyée sur les Grecs (stoïciens, épicuriens et cyrénaïques, bien sûr, mais aussi Platon et Aristote), l’autre au contraire appuyée sur Descartes et Kant. Je propose les deux corrigés alternatifs ici et ici.
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35 ans et loin du bac philo, j'aurais souhaité recevoir vos lumières sur des auteurs qui auraient traités deux points me venant en tête à la lecture du sujet. "L'art" passerelle entre le corps et<br />
l'esprit, activité à la fois fini et infini, plaisir sensible et quête d'idéaux supérieurs.<br />
Et le bonheur en tant qu'équilibre entre "ce que je veux, ce que je suis, ce que je fais" qui introduit l'idée que "s'abstenir, s’arrêter de" est fondamentalement opposé au bonheur.<br />
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cordialement<br />
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