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Le Labyrinthe - souffle des temps.. Tamisier..

Souffle et épée des temps ; archange ; prophéte : samouraï en empereur : récit en genre et en nombre de soldats divin face à face avec leur histoire gagnant des points de vie ou visite dans des lieux saint par et avec l'art ... soit l'emblème nouvau de jésuraléme.

Prologue Introductif


I am a guide to the Labyrinth
(J. D. Morrison)


Au naturel la pensée papillonne, digresse, saute du coq à l'âne, revient sur ses pas, piétine, chahute, entrevoit l'avenir et se remémore le passé dans un même magma actuel (actuel, non pas présent), s'emmêle, se retrouve, s'attarde à une anecdote ou un bon mot, paît en estives, s'élance tout à coup comme l'éclair, dans une succession baroque de ralentis et d'accélérés, se plaît à telle (m/n)otion jusqu'à la délectation sans bien savoir au juste pourquoi celle-ci plutôt qu'une autre qu'elle esquive, ce jour-ci plus que de coutume. Sa structure ordinaire : la ramification "fractale", cette forme paradoxale infinie se déployant in concreto à l'intérieur d'un espace fini ; ainsi le pourtour d'une feuille de fougère, la multitude d'alvéoles pulmonaires, la barrière de corail, l'éponge. La pensée s'épanouit en parfums colorés.

La réflexion revient des conclusions ainsi atteintes en rêvassant, au hasard de ces méandres (ou aux méandres du hasard). Comme un fermier général inspecte ses terres à vive allure, elle refait, le pas résolu, le chemin en sens inverse, élaguant sans scrupule tout le superflu et se débarrassant de tout l'ornemental, au sécateur de l'esprit. Tout ce buisson prodigue pour une seule branche (dans tous les sens du mot) qu'elle prélève parce qu'elle lui paraît (selon quels critères bizarres ?) une bonne idée. La trouve-t-elle encore un peu torse ? Après la taille, elle la refond, brûlant au feu de l'alchimie du verbe toutes ses impuretés, tout son reliquat d'adventice, d'incident, de contingent. Labeur infernal, féroce, prométhéen, de raturage, de redressement, de ferronerie, mené dans le Vésuve de la boîte crânienne.

La droite raison sort d'une épreuve de forge.

Belle ouvrage, belle canne, belle clef, belle épée, parfois beau manuel, au sens étymologique de "poignard". Lame, en somme, ou barreau.

A mi-chemin entre ces deux formes pures (ramure / arme), les recoins, les croisements, les retrouvailles, les hésitations et les choix, les déroutements, les passages secrets du labyrinthe. J'aime ces lieux composés, ces failles où s'affrontent à la fois et s'unissent deux blocs titanesques inconciliables, car là, dans le jeu des pièces si ajustées qu'elles soient, surgit toujours, par effet de seuil, l'inattendu fécond, comme ichthyostega sur l'estran de Pangée entre l'océan morne et les terrains herbus où ne vocalisait encore nul rossignol ; comme un Himalaya lève son encolure dans les rudes câlins des plaques techtoniques ; comme Venise entre chrétienté et islam ; comme l'étincelle naît au conflit des silex ; comme la perception entre le monde et nous ; comme un chiendent s'enracine entre deux vieilles pierres ; comme fume un breuvage en sa surface prune - bref, en pleine tension, en pleine liaison, en pleine intelligence, en ces lieux particuliers où l'élévation devient possible.

Une prison, le labyrinthe ? Non. Pour sortir il suffit de toucher une paroi et de s'y tenir, de ne jamais la lâcher : alors on parcourt tout le labyrinthe, jusqu'à la sortie - ou jusqu'à l'entrée - mais n'est-ce pas la même chose ? Même passage : c'est nous qui ne sommes plus les mêmes - Thésées couverts de sang, vainqueurs du fascinant monstrueux - au prix de quelle désillusion ? peut-être ; mais avec quelle sérénité au coeur, enfin, au coeur du labyrinthe.

A moins que les murs ne bougent ? Nous ne sommes pas seuls dans le labyrinthe, nous le savons. Peut-être certains de nos compagnons de route sont-ils en fait des préposés labyrinthiques, des fonctionnaires du Palais de la hache, chargés de déplacer des parois modulables comme dans les plate-formes de bureaux sinistres sous la lumière plate et blafarde des lampes ? Qu'à cela ne tienne : suivant l'exemple de l'architecte même de ces lieux, faisons (excellent verbe) le mur ! Alors, équilibristes juchés sur le négatif plein du labyrinthe (au lieu d'errer en ses girons positifs), nous aurons une vue d'ensemble, cartographique, mathématisée, grâce à laquelle nous pourrons nous enfuir (la toile en ouverture de cet article est de Stéphane Saro, peintre français disciple de Vasarely, né en 1956). 

A moins que le labyrinthe ne soit plus subtil que nous ? Si ingénieuse qu'elle soit, une prison n'est jamais inviolable, ne serait-ce qu'en raison de ces effets de seuil, effets de flous imprévisibles dont je parlais tout à l'heure ; de sorte que le vieux Dédale aurait bien pu avoir cette idée particulièrement perverse de construire le labyrinthe non comme un bagne, mais bien comme un palais ("Labyrinthe" signifie étymologiquement "Palais de la Hache"), un havre de félicité, d'ivresse, Eden secret enfoui dans les lointains profonds d'une Alamut crétoise, dont l'on n'eût point souhaité sortir. 

A moins encore qu'on n'en sorte jamais complètement, et que la sortie de chaque labyrinthe coïncide avec l'entrée d'un autre, labyrinthe de labyrinthes, métalabyrinthes emboîtés comme des poupées russes et dont l'emboîtement même fournirait l'explication, la raison, l'origine, le sens, la fin, et la métaphysique ? A moins qu'aux points de contact de ces labyrinthes ne surviennent des effets de seuil, là encore, qui viendraient ruiner le bel ordonnancement cristallin d'un pur empilement pour le transformer en un tout organique, solidaire de toutes ses parties, vivant peut-être, vivant cosmos labyrinthique dont la ramification et la droite raison ne seraient pas les causes, mais bien des cas-limites ?

Quel labyrinthe, d'ailleurs, explorons-nous ? Celui de la philosophie ? Celui de la civilisation occidentale ? Celui de nos neurones en travail ? Celui de tout notre corps de veines et de nerfs, de conduits et de vaisseaux, de replis et d'ouvertures ramifié à l'intérieur mais droit debout, élancé, à l'extérieur ? Y a-t-il d'ailleurs la moindre raison de les différencier les uns des autres, s'ils connaissent des points de contact ? Quand y sommes-nous entrés, alors ? Y sommes-nous nés, comme le narrateur de la bibliothèque de Babel ? Ou bien n'y entrons-nous qu'à l'instant où nous prenons conscience d'y être ? Dans ce cas, en sortir reviendrait-il à récuser notre conscience ?

Bienvenue dans le labyrinthe.
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