Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Le Labyrinthe - souffle des temps.. Tamisier..

Souffle et épée des temps ; archange ; prophéte : samouraï en empereur : récit en genre et en nombre de soldats divin face à face avec leur histoire gagnant des points de vie ou visite dans des lieux saint par et avec l'art ... soit l'emblème nouvau de jésuraléme.

Travail, technique, technologie - 2


I. Anticiper pour s’améliorer : les vertus du progrès technique

1) Le lien étroit entre travail et technique

Si le travail désigne l'action d’utiliser les processus naturels à son profit, la manière d'opérer cette utilisation se nomme technique. Le travail du boucher consiste à découper les bestiaux ; la méthode qu'il suit pour opérer la découpe constitue sa technique. Aussi travail et technique se répondent-ils intimement. Celle-ci s'élabore par celui-là à l'issue d'une série d'essais plus ou moins réussis (une technique de chasse s'invente en... chassant), pendant que le premier s'accomplit par la seconde.

Dans ce sens très large, on pourrait considérer que les animaux, eux aussi, travaillent et emploient des techniques : le faucon nourrissant ses petits, la meute de loups employant une stratégie d'encerclement d'une proie, accomplissent bel et bien des actions utiles grâce à des techniques en partie instinctives, et en partie dictées par les impératifs du terrain. Pourtant, entre action animale et travail humain, il existe une différence essentielle.

Le travail est de prime abord un acte qui se passe entre l’homme et la nature. L’homme y joue lui-même vis-à-vis de la nature le rôle d’une puissance naturelle. Les forces dont son corps est doué, bras et jambes, têtes et mains, il les met en mouvement, afin de s’assimiler des matières en leur donnant une forme utile à sa vie. En même temps qu’il agit par ce mouvement sur la nature extérieure et la modifie, il modifie sa propre nature, et développe ces facultés qui y sommeillent. […] Une araignée fait des opérations qui ressemblent à celles du tisserand, et l’abeille confond par la structure de ses cellules de cire l’habileté de plus d’un architecte. Mais ce qui distingue dès l’abord le plus mauvais architecte de l’abeille la plus experte, c’est qu’il a construit la cellule dans sa tête avant de la construire dans la ruche. Le résultat auquel le travail aboutit, préexiste idéalement dans l’imagination du travailleur. Ce n’est pas qu’il opère seulement un changement de forme dans les matières naturelles ; il y réalise du même coup son propre but dont il a conscience, qui détermine comme loi son mode d’action, et auquel il doit subordonner sa volonté.
Marx, Le Capital

L'ouvrier humain, lorsqu'il détourne à son profit les objets ou les puissances de la nature, se rapproche de toutes les autres forces naturelles. Au niveau du déploiement de l'activité, on peut légitimement comparer un écureuil qui rassemble ses provisions pour l'hiver (photographie ci-contre (c) Regroupement des Astronomes Amateurs de l'Outaouais Québecois) et un agriculteur qui rentre sa récolte. Pourtant, entre eux, une énorme différence existe : si l'activité de l'écureuil se voit déclenchée par des processus hormonaux (déterminés, semble-t-il, par la durée d'ensoleillement quotidien), et relève donc en large part de l'instinct, en revanche l'humain, explique Marx, met en oeuvre des processus mentaux d'anticipation, d'imagination, de planification - bref, une activité de l'esprit. Entendu en ce sens strictement humain, le travail se présente comme une activité complète, à la fois manuelle et intellectuelle, combinant création spirituelle et production matérielle. Aussi par le travail l'individu humain déploie-t-il toutes ses facultés : face aux contraintes matérielles, il exerce son inventivité, son ingéniosité, sa dextérité ; améliorant son milieu, il s'améliore lui-même, découvre ses faiblesses par ses échecs, et peut ainsi concevoir un moyen d'y pallier. Le travail nous élève au-dessus de notre imperfection première. Cette faculté de transcender sa propre condition constitue une caractéristique fondamentale de l’humain : déjà les Anciens s'en étaient aperçus.

[Les dieux] chargèrent Prométhée et Epiméthée de pourvoir [les animaux] et d’attribuer à chacun les qualités appropriées. Mais Epiméthée demanda à Prométhée de lui laisser faire seul le partage : « Quand je l’aurai fini, dit-il, tu viendras l’examiner ». [Epiméthée procède au partage]
Cependant, Epiméthée, qui n’était pas très réfléchi, avait sans y prendre garde dépensé pour les animaux toutes les facultés dont il disposait et il lui restait la race humaine à pourvoir, et il ne savait que faire. Dans cet embarras, Prométhée vient pour examiner le partage ; il voit les animaux bien pourvus, mais l’homme nu, sans chaussures, ni couverture, ni armes, et le jour fixé approchait où il fallait l’amener du sein de la terre à la lumière. Alors Prométhée, ne sachant qu’imaginer pour donner à l’homme le moyen de se conserver, vole à Héphaïstos et à Athéna la connaissance des arts avec le feu ; car, sans le feu, la connaissance des arts était impossible et inutile ; et il en fait à présent l’homme.
Platon, Protagoras, 320d-321c
 
(Ci-dessus, Prométhée, toile (c) de José Clemente Orozco.)

Ce n’est pas parce qu’il a des mains que l’homme est le plus intelligent des êtres, mais c’est parce qu’il est le plus intelligent qu’il a des mains. En effet, l’être le plus intelligent est celui qui est capable de bien utiliser le plus grand nombre d’outils : or la main semble bien être non pas un outil, mais plusieurs. Car elle est pour ainsi dire un outil qui tient lieu des autres. C’est donc à l’être capable d’acquérir le plus grand nombre de techniques que la nature a donné l’outil de loin le plus utile, la main. Aussi, ceux qui disent que l’homme n’est pas bien constitué et qu’il est le moins bien partagé des animaux (parce que, dit-on, il est sans chaussures, il est nu et n’a pas d’armes pour combattre), sont dans l’erreur. Car les autres animaux n’ont chacun qu’un seul moyen de défense et il ne leur est pas possible de le changer pour un autre, mais ils sont forcés, pour ainsi dire, de garder leurs chaussures pour dormir et pour faire n’importe quoi d’autre, et ne doivent jamais déposer l’armure qu’ils ont autour de leur corps ni changer l’arme qu’ils ont reçue en partage. L’homme, au contraire, possède de nombreux moyens de défense, et il lui est toujours loisible d’en changer et même d’avoir l’arme qu’il veut et quand il le veut. Car la main devient griffe, serre, corne ou lance ou épée ou toute autre arme ou outil. Elle peut être tout cela, parce qu’elle est capable de tout saisir et de tout tenir.

Aristote, les Parties des animaux, 687a-b


Si Aristote et Platon s'opposent sur le jugement de valeur à porter sur l'humain (négatif pour Platon qui le juge démuni, positif pour Aristote dans la mesure où il possède l'intelligence), cependant les deux auteurs s'accordent à penser que le recours à la technique réfléchie constitue une particularité humaine.

Suite du cours : les vertus du travail et de la technique.

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article