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Le Labyrinthe - souffle des temps.. Tamisier..

Souffle et épée des temps ; archange ; prophéte : samouraï en empereur : récit en genre et en nombre de soldats divin face à face avec leur histoire gagnant des points de vie ou visite dans des lieux saint par et avec l'art ... soit l'emblème nouvau de jésuraléme.

Nature et culture - 9


2) La culture, réaction naturelle de l’humain confronté à la nature

Pourtant, ces conceptions cèdent devant un examen plus précis. D’abord, les sciences contemporaines nient totalement "l'immuabilité" de la nature ainsi que son caractère inéluctable. La dérive des continents de Wegener (soutenue seulement en... 1912 !), ainsi que la tectonique des plaques, affirment que le terrain, le roc, les montagnes, ces images classiques de l'immobile et de l'éternel, connaissent en fait des chocs brutaux, des métamorphoses constantes, et relativement rapides à l'échelle géologique (la chaîne de l'Himalaya serait apparue au crétacé supérieur, voici soixante-dix millions d'années, ce qui représente seulement 1,75% de la durée totale depuis l'apparition de notre planète : pour une personne de quarante ans, cela représenterait huit mois et demi seulement). Plus ancien, mais tout aussi difficile à admettre dans la pensée occidentale classique, le transformisme darwinien qui explique l'évolution des espèces par des mutations aléatoires et la sélection naturelle nie également tout fixisme de la nature (voir aussi le cours sur le vivant). Dans le même ordre d'idées, la cosmologie einsteinienne nie que l'espace ou le temps soient des concepts absolus, et les mathméatiques du chaos montrent que les relations de causalité ne sont pas si mécaniques que la pensée du XIXè siècle voulait le croire. L'apparente constance de la nature n'est qu'une illusion d'optique à l'échelle humaine. On pourrait même lire l'ensemble du progrès de la science occidentale comme un dévoilement progressif de cette idée tout à fait dérangeante : il n'existe dans la nature rien de fixe qui pourrait servir de repère permanent. Tout au plus certaines temporalités peuvent servir de repère à d'autres temporalités en raison d'un écart d'échelles suffisant (par exemple, les continents peuvent paraître "stables" par rapport à l'espérance de vie humaine ; mais dans l'absolu, "en vrai", ces repères se présentent comme de pures inventions humaines, comme des conventions arbitraires).

Quant à l'idée selon laquelle les humains devraient "subir" la nature et s'y soumettre, la technologie, depuis Descartes et surtout depuis la révolution industrielle, prouve tout au contraire que l'humain peut victorieusement aménager son environnement, voire le modifier de fond en comble. On a pu éradiquer certaines maladies (ainsi la variole) ; quant aux cataclysmes et aux calamités, la science et la technique nous permettent, sinon de les éviter, du moins d'en minimiser les effets.

Pour ces deux raisons, continuer à soutenir (ou à sous-entendre) que la nature ne pourrait pas être autrement qu’elle n’est relève d’une approximation extrêmement contestable aujourd’hui.

De plus, le clivage entre l’humain et la nature, soutenu aussi bien par la racine judéo-chrétienne (dans la Genèse) que par la racine grecque (notamment avec Platon) de la civilisation occidentale, apparaît de nos jours comme une simplification abusive et infondée.

La paléontologie nous enseigne notamment que homo sapiens sapiens est une espèce animale comme les autres, dont on peut retracer l'évolution depuis le grands singes. Au même titre que les algues, les chimpanzés, les escargos ou les canaris, nos caractéristiques spécifiques (celles qui distinguent notre espèce de toutes les autres, y compris la conscience, le langage, la technique, la pensée conceptuelle) proviennent de mutations aléatoires retenues par la sélection naturelle comme propices, eu égard aux contraintes environnementales qui pesaient sur notre espèce lors de chaque pas majeur de l'évolution. Nous sommes d'ailleurs toujours en train d'évoluer, et tout porte à croire que notre espèce aura complètement disparu d'ici quelques millions d'années.

Dès lors qu'on nie un statut ontologique spécial à l'humain par rapport aux autres espèces vivantes (y compris les plantes, les bactéries ou les levures), il ne reste plus aucune raison de placer "hors" de la nature les productions humaines. Ce que construit l'humain ne diffère en rien des toiles d'araignées, des nids d'oiseaux, des barrières de corail, des réserves de l'écureuil, des techniques d'encerclement des proies par les fauves ou de l'élaboration mellifère des abeilles : il n'existe absolument aucune raison de taxer "d'artificiels" la locomotive, les sacs en plastique, le travail à la chaîne, la contraception ou le béton armé : tous ces phénomènes sont confectionnés par un animal comme les autres (donc naturel) à l'aide de matières premières trouvées dans la nature (donc naturelles elles aussi) ; et à ce compte, on ne comprend absolument pas que quoi que ce soit puisse jamais sortir de la nature. Le problème posé par ce cours ne serait en fait nullement un problème. Toute "culture" serait en fait profondément naturelle.

Pour étayer cette idée, ajoutons que, si nous cherchons les points communs entre toutes les cultures humaines, nous allons assez vite nous apercevoir d’une chose : tous les humains ont une culture. Tel est le point commun le plus évident entre nous tous, sitôt que le problème est posé en ces termes ; mais alors, la multiplicité des cultures se dissipe au profit de LA culture, trait caractéristique de l’humain – autrement dit, la "nature" de l’humain n’est autre que sa faculté de "culture" ; là encore, la dichotomie se brouille, la distinction conceptuelle chancelle.

À ce point vient s’adjoindre, de surcroît, une autre observation. Si la culture diffère d’un peuple à l’autre (par exemple, si l’art culinaire suisse diffère de l’art culinaire japonais), c’est peut-être parce que les humains, du fait même qu’ils sont humains, possèdent des besoins métaboliques similaires (en l’occurrence, se nourrir) mais que, du fait même qu’ils se sont sédentarisés dans des lieux différents, aux géologies et aux climats différents, donc à la végétation, à la faune et aux ressources différentes, et que dès lors, il paraît tout à fait naturel de penser que des problèmes similaires n’ont pu être résolus de manière identique ; mais dans ce cas, ce que nous appelons pompeusement la "culture" n'est tout simplement qu'une adaptation tout à fait spontanée à des contraintes locales presque entièrement déterminées par le milieu.

Si l'on affirme l'opposition entre nature et culture, tôt ou tard se pose la question de leur articulation l'une à l'autre ; et quand on cherche à observer avec attention cette articulation, on constate qu'il n'y a pas de rupture entre l'humain et son milieu, entre culture et nature, mais bien continuité. Pourtant, cette question n'est pas récente :

Une tâche pour ceux à qui le travail ne fait pas peur. – Celui qui veut aujourd’hui prendre les choses morales pour objet d’étude s’ouvre un champ d’activité immense. Toutes les espèces de passions doivent être examinées une à une, suivies une à une à travers les époques, les peuples, les individus, grands et petits […]. Tout ce qui a donné sa couleur à l’existence n’a pas encore d’histoire jusqu’à présent […]. Même une histoire comparée du droit, ou seulement du châtiment, est absolument inexistante. A-t-on déjà pris pour objet de recherches les diverses manières de découper la journée, les conséquences d’une fixation régulière du travail, des fêtes et des jours de repos ? Connaît-on les effets moraux des aliments ? Existe-t-il une philosophie de l’alimentation ? Le tapage qui se renouvelle constamment pour ou contre le végétarisme montre déjà qu’une telle philosophie n’existe pas encore ! […] La seule observation des différents modes de croissance qu’ont connu et que peuvent encore connaître les pulsions humaines suivant les différents climats moraux offre déjà trop de travail pour ceux à qui le travail fait le moins peur ; des générations entières de savants, et des générations collaborant de manière systématique sont nécessaires pour faire le tour des points de vue et de la matière que l’on trouve ici.
Nietzsche, le Gai Savoir, §7

Toutes ces considérations amènent à poser une question radicale.


Suite du cours : l'idée de nature a-t-elle un sens ?
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G
<br /> <br /> Petite rectification "on peut retracer la lignée de l'homme jusqu'aux grands singes".<br /> <br /> <br /> Les ancêtres de l'homme n'ont jamais été des singes. Simplement les singes et les hommes ont un ancêtre commun lequel était un hominidés (groupe rassemblant l'homme et les grands singes actuels)<br /> mais pas un singe ni un homme.<br /> <br /> <br /> <br />
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